Valorisons la
richesse historique et scientifique de la vallée !
Mémorial
de Tekrour
Comme l’aurait dit Hérodote, « Le Sénégal est un don du fleuve
qui porte son nom». En effet, sa vallée est le berceau de l’humanité ainsi que de
l’humanisme islamique de ce pays. L’homme qu’on y a découvert, Hammadi Waalalde, est âgé de plus
de 3000 ans et l’Islam y est au moins millénaire. C’est la vallée qui a fécondé
le royaume de Tekrour, l’un des plus anciens de
l’Afrique de l’Ouest. Ce royaume contemporain de l’empire du Ghana a connu
différentes dynasties. La tradition a retenu celle des Jaa-Ogo
(508-720), des Tonjong (720-826), des Manna (826-1082), des Laam-Taaga (1082-1122), des Laam-Termes
(1122-1456).
Sous le règne de Warjaabi de la dynastie
des Manna au Xème siècle, Tekrour ou Gnaamandiri (Namandiirou) est devenu le premier royaume africain au sud
du Sahara à être dirigé par un musulman. Warjaabi fut
le principal promoteur du mouvement Almoravide qui a contribué à la chute de
l’empire du Ghana et à l’expansion de l’Islam jusqu’en Europe.
Tekrour
était un pôle économique riche en or, mil, sel et était florissant sur le plan
commercial. Après la chute du Ghana, le royaume est annexé par l’empire du Mali
qui y a installé ses administrateurs appelés Farba.
Ces derniers n’ont pu résister aux attaques du conquérant peul Koly Teŋela Ba, qui a fini
par occuper une bonne partie du royaume qu’il rebaptisa Fuuta. C’est ainsi que
commença le règne de sa descendance, les Deeniyaŋkooɓe, de 1512 à 1776.
La vallée pôle politique
Le mouvement du Maure Nasser Al Diin
entra dans le Fuuta en 1673 pour y instaurer des régimes islamisés. Mais, la
réussite de cette entreprise fut de courte durée. Les Satiguis,
bien aidés par les commerçants français de Saint-Louis, ont pu sauver leur
trône 1676. Il n’empêche que ce mouvement a laissé des traces. Quelques années
plus tard, vers 1695, Malick Sy
Daouda, natif de Suyumma, qui aurait participé à la
campagne de Nasser Al Diin, a fondé dans le Ɓunndu le 1er État musulman au sud
du Sahara. À sa suite, Karamoko Alpha a
installé au Fuuta Jalon un régime basé sur les principes islamiques.
Au Fuuta Tooro, Ceerno Sileymaani Baal et ses compagnons se sont
révoltés pour mettre fin à la traite négrière, aux pillages des Maures, des
Marocains et autres brigands venant du Sud à la recherche d’esclaves ou de
grains de mil. Ils mirent fin à la dynastie deeniyaŋke, supprimèrent le
« muddo hormo »,
l’impôt lourd dû aux Maures, et établirent un État basé sur des valeurs
islamiques, des principes démocratiques et respectueux de la souveraineté du
peuple. Ce qui créa un nouvel ordre politique en Afrique de l’Ouest et engendra
une société qui a hissé la liberté et le savoir au sommet de l’échelle de ses
valeurs. Le règne des Tooroɓɓe (Intellectuels)
séduit les peuples environnants et fit vaciller leurs régimes politiques.
L’Almaamiya devint un modèle d’État vanté jusqu’au-delà de l’Atlantique.
Autrement dit, la portée politique, sociale et culturelle de cette Révolution,
qui a eu lieu entre 1760 et 1776, est incommensurable et n’est à nulle autre
comparable. L’humanisme de ses acteurs est jusqu’ici inégalable. La vallée
est devenue avec eux une région Lumière, un des pôles scientifiques les
plus importants en Afrique de l’Ouest.
La
vallée des Lumières et porteurs de projet de civilisation
Depuis la révolution des Tooroɓɓe
les foyers d’enseignements se sont multipliés dans la vallée, permettant à des
milliers d’enfants de la sous-région de sortir des ténèbres de l’ignorance. Le
rayonnement de cette École publique ouverte à tous, a fait connaître le
Sénégal, bien avant son accès à la souveraineté internationale, dans toute
l’Afrique et en Asie. C’est de la vallée du fleuve que partirent les premiers
savants et dirigeants porteurs de projets civilisationnels. Le roi du Tekrour Warjaabi, le promoteur
principal du mouvement Almoravide ; l’empereur Askia Mohammed (1443-1538) ; Salih Al Oumary
(1753 - 1803), plus connu sous le nom de Al Fullany
Al Maliky, le savant de Dar Al Hadith de Médine, en
Arabie Saoudite, qualifié de Rénovateur de l’Islam au Pakistan ; Qaadi Hammaat (Amar) Paate Fall, le fondateur
de l’Université de Pir ; Malick
Sy Daouda, le fondateur du royaume islamique de Bundu ; Ceerno Sileymaani Baal, le leader de la Révolution du Fuuta et fondateur
de l’Almaamiya ; Almaami Abdul Qaadir Kan, le premier souverain élu en
Afrique et maître d’œuvre de l’Almaamiya ; Ousmane Danfodio
le Toorodo de Sokoto ; Dial Diop, le leader des Lébou et libérateur du Cap-Vert, son premier Almaami et Serigne ; Cheikh Oumar Al Foutiyyou,
le Soufi conquérant ; Cheikh Moussa Camara, le grand historien d’Afrique
et sage de Ganngel, ont constitué les rayons de la
vallée du fleuve Sénégal. Après ces précurseurs, on peut dire que la source n’a
jusqu’ici pas tari. Les foyers d’enseignement de Matam, Wuro-Soogi,
Ngijilon, etc. attirent encore de nombreux étudiants
ressortissants des pays environnants et échangent leurs produits avec les plus
grandes universités du monde arabo-musulman.
Ce
rappel historique nous permet d’affirmer que, si en politique la marche de
cette région fut perturbée par le Colonisateur, sur le plan scientifique il y a
bien un continuum. C’est ce fil ininterrompu de transmission du savoir qui a
permis au Fuuta de tenir sur le plan culturel mieux que les autres régions qui
n’avaient pas d’institution de formation aussi ancrée. C’est grâce à cette
institutionnalisation du savoir que la société a pu faire face aux vicissitudes
de la colonisation. Malheureusement, dans les stratégies socio-politiques mises
en place actuellement, on néglige cette richesse socio-culturelle de la vallée.
Pour
que toute cette richesse historique soit valorisée, que tous ces évènements ne
soient pas oubliés et restent ancrés dans la mémoire collective, il importe de les retracer et de les
matérialiser.
Mémorial repère pour la Diaspora
Par
ailleurs, la réhabilitation de l’histoire de Tekrour et
sa mise en évidence au niveau local peut bien constituer un repère, un moyen de
se redécouvrir ou de se retrouver dans un héritage multiséculaire. Ce mémorial
pourrait bien être utile aux originaires d’Afrique, vivants en Europe ou aux
États-Unis, qui ont du mal à se retrouver dans les identités culturelles
qui leur sont proposées. Il pourrait permettre à tous ceux qui sont à la
recherche d’une source, d’une origine ou d’une appartenance historique, de se valoriser.
En
outre, au vu de la situation du pays, il est indéniable qu’il y a une urgence
pour les Universités d’être partie prenante dans la bataille du développement
sous toutes ses facettes et ceci passe nécessairement par l’adoption de
nouvelles approches méthodologiques.
C’est
dans cette perspective que le centre de recherche Baajoorɗo,
le Département d’Histoire de l’UCAD et la Commune de Doɗel
du Département de Podor, ont initié le projet de mise en place d’une plateforme
qui permette de réhabiliter l’Histoire de la vallée du fleuve du Sénégal baptisé :
Mémorial de Tekrour.
Objectifs généraux
Ø
Réhabilitation
de l’histoire du royaume de Tékrour et les
civilisations de la vallée du fleuve Sénégal par son retraçage
territorial ;
Ø
Renforcement de
la conscience historique et culturelle des ressortissants ouest africains.
Ø
Exaltation de
l’histoire facteur de paix et de concorde interculturelle
Objectifs spécifiques
Ø
Marquage
indélébile des évènements et moment importants du Royaume de Tekrour,
Ø
Marquage de
l’histoire avant le Tekrour
Ø
Positionnement
des séquences importantes, comme la Révolution des années 1760, dans l’Histoire
universelle ;
Ø
Construction
d’une symbolique historique territoriale.
Ø
Montrer le
riche patrimoine culturel des peuples de la Moyenne Vallée
Initiateurs :
Commune de Doɗel, Département
d’Histoire de l’Ucad, Centre de recherche Baajoorɗo.